Camille (histoire)

Published by AH on

Camille (histoire)

Suivez l’histoire de l’apprentissage érotique de Camille, un personnage à la recherche de lui-même, prêt à tout pour se trouver.

Chapitre 1 - par Alexis Himeros

Quand on m’a foutu à la porte, j’ai serré les dents. D’abord je me suis dit que c’était bien fait pour moi, que tout était ma faute, que c‘était la fin, ou alors le début de la fin. J’ai regardé mon père qui ne m’a pas rendu mon regard. Tout mon corps tremblait. Son secrétaire particulier m’a escorté.e jusqu’à la grille de la villa Montmorency. Il semblait désolé. 

 

Jusqu’à ce jour, ce coin très privé du seizième arrondissement de paris, ç’avait été chez moi. À présent ça ne l’était plus. Tout ça à cause d’une chanson, une histoire de musique, de course après un rêve. Et mon papa, les rêves, il n’y croit pas. Dans ma famille c’est comme ça. Ils sont pragmatiques. On laisse les rêves aux rêveurs. Bon quand je dis MA famille je parle des quelques membres que j’ai pu rencontrer … parce que si ma famille est nombreuse je n’ai pourtant jamais connu les frères et les sœurs de mon père. Ma mère est morte quand j’étais encore enfant. J’ai très peu de souvenirs d’elle. Ensuite c’est mon père, seul, qui m’a élevé.e 

 

Quand on croit que porter un nom à particule vous ouvre toutes les portes. On se trompe. Pas de nos jours en tous cas. Parfois je me dis que je me suis trompé.e d’époque que tout aurait été plus simple pour moi dans l’autre millénaire … mon enfance a très été compliquée… à qui la faute ? Ça ne sert à rien de blâmer les absents. Mon père m’a souvent laissé.e me débrouiller. Son travail l’a toujours accaparé non-stop. Et puis, ses copines aussi. Des femmes légères comme on les appelle. Quand j’étais plus jeune, je m ‘ émerveillais de les voir débarquer à la maison, tard dans la nuit, avec leurs robes à paillettes, à la main l’éternelle coupe de champagne de la bouteille ouverte dans la limousine. Je regardais ce spectacle depuis une des mezzanines de la maison, quand rôdait l’une de mes insomnies. De voir mon père les désirer, les déshabiller ça m’apportait la preuve qu’il était sans doute un être humain malgré tout. Le reste m’importait peu. 

 

Ma mère… je m’en souviens peu, disparue trop tôt. Ensuite je n’ai eu personne à mes côtés pour me rassurer ou pour m’aider à me lier avec les enfants de mon âge quand je n’y parvenais pas. Plus tard, ado, je n’ai jamais fréquenté les cercles où se retrouvaient les jeunes aristos de mon quartier. Je n’ai pas participe aux rallyes organisés par leurs parents qui tout comme leurs rejetons me trouvaient trop rebelle, inclassable, en dehors des cases.

De toute façon, les Enguerrand, Marie-Charlotte, Evrard, Ysaure et moi, on ne s’était jamais entendus.

 

La période où tout le monde s’embrasse, je ne me rappelle pas trop pourquoi mais je ne l’ai pas traversée. Et quand à cette période a succédé celle où chacun parle de cul, je n’étais toujours pas convié.e à participer aux conversations. Mais je m’en foutais. Ça m’arrangeait bien de pas rentrer dans le moule.

 

C’est pour cette raison …lorsque je me suis retrouvé.e sur le trottoir j’ai reconnu immédiatement ce sentiment, il m’était familier, c’ était celui de l’exclusion. Je le ressentais depuis toujours. Se sentir différent. Hors cadre. Hors norme. Incompris. Mis.e au ban. Pour le coup ce bannissement du domicile paternel ne faisait que rajouter du rejet au rejet. 

 

Il y a des événements qu’on redoute tout en ne s’y préparant jamais. Quand ils nous tombent dessus, on est toujours surpris, sidérés, comme si on n’avait pas été prévenu. Comme l’abandon et la mort : on sait que ça va nous arriver un jour ou l’autre mais quand ça arrive ça nous fait quand même un mal de chien… après tout voir mourir quelqu’un à qui on tient où être quitté.e c’ est presque pareil… si quelqu’un vous laisse, il y a toujours ce deuil à faire. Ce que je vivais n’en était encore qu’une variante. 

Tu crois être chez toi, tu ne fais pas attention aux voyants d’alerte qui clignotent depuis un moment pour te signaler que peut être, non, tu n’es pas vraiment chez toi, et soudain il y a cet instant où tu es jeté.e hors de ton foyer où tu dois apprendre une nouvelle vie. Brutalement. La peur au ventre. 

 

Une valise et un sac à dos. C’est tout ce que j’ai eu le droit d’emporter avant d’être congédié.e. J’allais payer le prix de ma différence. A croire que riche ou pauvre, il y a des sujets qui mettent tout le monde d’accord : celui qui sort légèrement du rang, faut s’en débarrasser. On le dissimule comme une maladie honteuse. On l’élimine comme un parasite. C’est sans doute ce qu’a pensé mon père, fatigué de ne pas réussir à me faire ressembler à tous ceux qu’il me montrait en exemple. Désolé.e papa. Si à 20 ans ceux de mon milieu savent déjà qui ils sont et qui ils vont devenir. Moi pas. C’est raté, moi je n’en sais foutre rien.

 

Ce que je sais en revanche c’est la sensation de ce grand vide qui grandit en toi, qui t’empêche de respirer, de réfléchir, de te trouver, de te retrouver. 

 

« Votre titre de transport ! Euh. Vous, là »

Un agent de la RATP m’a hurlé dans les oreilles. Ce “vous” je le connais trop bien. C’est celui du mépris. Celui du dédain. De l’inconsidération. “vous la chose”. “vous le truc bizarre”. L’extra-terrestre. C’est comme ça qu’on m’ a appelé.e au collège. On dit Un ou une Extraterrestre 

Grammaire neutre, espèce épicène. Tout comme moi qui n’ai jamais trop su où me situer. Errer dans cette zone pas si grise me permet de vivre des histoires avec des personnes qui me plaisent, tout simplement. Peu importe ce qu’on pense de mon genre, ambigu, de mon corps, androgyne, de mes goûts ambivalents. Disons que… je m’amuse d’une légère fluidité dans laquelle je m’épanouis parfaitement sans me poser trop de questions.

 

Ai-je embrassé des hommes ? Oui. Des femmes ? Oui, aussi. Ai-je dormi dans les draps des deux sexes ? Ai-je couché avec ceux qui ne s’en réclame d’aucun ? Oui, naturellement. Et c’est ce naturellement qui ne passe pas. Ce serait risible si cela ne m’arrachait pas les tripes quand j’y pense. Ai-je reçu du soutien de la part de mes proches ? Absolument pas Le paternel ne comprend pas cet état de fait. Pour lui, c’est impensable, c’est répugnant, je suis l’image même de la déchéance. Et cerise sur le gâteau, je chante. Son enfant, un artiste… inadmissible. Quand je lui ai avoué que j’allais bientôt passer à la télé dans un concours de chant, mon père s’est imaginé la scène : sa progéniture outrageusement maquillée apparaissant sur le petit écran à une heure de grande écoute… insupportable.

 

D’ailleurs, il n’en a pas supporté l’idée. C’est comme cela que je me suis retrouvé.e en route pour Noisy le Grand. Pour tous ceux qui vivent Villa Montmorency, traverser Paris c’est déjà la grande aventure, alors se rendre en banlieue, ça dépasse l’entendement c’est tout à fait inconcevable. C’est pourtant bien là où je suis allé.e. Dans une maison squattée, où vit une des deux seules personnes qui m’ait tendu la main ces quelques dernières semaines, Livio.

 

Pourtant chez lui, je n’y vais pas de gaité de cœur. Chez Livio, d’habitude, je n’y vais pas. L’endroit où il habite, je ne savais même pas que ça existait. Ai-je déjà mentionné que c’était un squat sa maison ? Ah oui…

Quand je lui ai demandé l’adresse, il a eu l’air étonné mais il n’a pas posé de questions. Peut-être parce que je pleurais trop au téléphone. Le caractère d’urgence a dû lui paraître évident. Ma vulnérabilité aussi. C’est un truc qui plait à Livio, les gens vulnérables. Ça lui permet d’asseoir son autorité, de jouer de son paternalisme à la con, d’étendre son influence, même néfaste. De lui je connais les phrases qui font du bien et les caresses qui font mal. Celles qu’il donne comme celles qu’il réclame. Après… Moi le cul… Je m’en fous. Mon corps aussi je m’en fous. Ce n’est qu’une enveloppe. À cette loterie j’ai eu le lot de consolation. Pourtant c’est ce qui l’excite, Livio. Un peu trop. La dernière fois que je l’ai vu, comme il m’avait donné quelques cachetons pour me détendre, et que je n’avais rien pour payer – et même que je pensais que c’était cadeau ! – j’ai dû me mettre à genoux. Oh pas longtemps. C’était drôle même quand j’y pense. Il voulait simplement se caresser contre ma joue. Un truc de perv. Mais je m’étais juré ensuite d’éviter tout rapprochement avec lui. Et puis… il m’a envoyé plein de messages. Un peu pour s’excuser. Un peu pour m’expliquer qu’il était là pour moi, mais qu’il fallait que je suive certaines règles. C’est un gars comme ça Livio. Il a besoin de contrôler. Freud doit avoir des théories là-dessus. Enfin j’imagine. Je ne comprends rien aux psys et à la psychanalyse…

 

Après la mort de ma mère quand j’avais quatre  ans, j’ai vu un psychologue puis un autre, puis un autre encore, puis on a arrêté ces conneries. De toute façon mon père n’avait pas le temps de me conduire à mes séances… il avait ses copines. Je repensais à tout ça dans le RER a en direction de marne la vallée, entre une mère de famille déprimée et deux gars qui se filmaient pour Tiktok.

Faut être dingue pour filer chez un gars qu’on redoute autant qu’on l’aime. La faute à pas le choix. Je ne connais rien aux us et coutumes de ceux qui dorment sous les ponts et Livio est une des rares personnes qui puisse m’aider. Alors, même si je n’ai pas tout à fait confiance, j’y vais. De toute façon, Celia n’a pas encore répondu. Elle ne me répond jamais de suite. Toujours un jour de délai. Je fais avec. C’est comme pour tout : je m’adapte.

Retrouvez la suite
en livre audio
tous les 15 jours sur l’espace VIP Le Son Du Désir

Categories: plaisir